retour vers : "Banos" lire la suite : "Cuenca"
Le voyage est épuisant, et j’aurais déboursé près de cent quatre-vingts dollars pour rien si j’avais raté le départ. À Lago Agrio vers sept heures, je prends un taxi pour me rendre dans l’hôtel qui est notre point de ralliement. Heureusement que j’avais cette information, sinon je ne saurais pas quoi faire ici. Je sais aussi que nous serons quatre, dont deux Allemands déjà sur place lorsque j’arrive au rendez-vous. Nous sommes bientôt rejoints par Fernand, un Français, le « troisième homme » de l’expédition, puis par Sonia, notre guide, une jeune femme tout à fait charmante et sympathique qui s’exprime très bien en français (qu’elle a appris à l’Alliance française de Quito), ainsi qu’en anglais. Elle nous explique qu’elle doit faire quelques courses et trouver le moyen de transport qui nous emmènera à l’entrée du parc. De là, nous prendrons une pirogue pour nous enfoncer dans la réserve de Cuyabeno.
Nous profitons donc de ce moment pour faire connaissance. Matthias et Herke sont en vacances pour quelques jours en Équateur. Je crois me souvenir qu’ils étaient mariés. Lui est un ancien infirmier urgentiste, d’après ce que j’ai compris, et suit, ou a suivi, des sortes de cours du soir pour devenir pharmacien, tandis qu’elle est encore étudiante en économie. Fernand travaille dans une centrale électrique ou quelque chose du genre, et a pris de longues vacances pour revenir en Amérique du Sud. Il était déjà allé au Venezuela et avait apprécié, surtout une visite dans la forêt vierge, et c’est pourquoi il retente l’aventure ici. Il avait projeté de repartir de Bogota mais commence à se demander (et nous avec lui !) si c’est une bonne idée... Il est bientôt onze heures, nous allons enfin pouvoir partir. Après avoir placé nos affaires à l’arrière d’une Jeep, nous voilà bientôt lancés sur les pistes. Ici, point de route. Déjà qu’il n’y en avait pas vraiment pour venir en bus depuis Quito, alors pour s’enfoncer dans la jungle il ne faut pas s’attendre à trouver une autoroute ! La ville que nous quittons s’est développée depuis qu’on a trouvé du pétrole dans les environs : en arrivant, ce matin, j’ai vu plusieurs pipe-lines.
Quatre heures de piste plus tard, bringuebalés de temps en temps par les creux et les bosses, nous arrivons à l’entrée du parc. Il nous faut encore montrer patte blanche : passeport, inscription sur un registre et droit d’entrée dans le parc (dix dollars, mais nous étions prévenus avant de partir...). On n’y pénètre pas sans guide officiel, d’ailleurs, c’est un endroit très sécurisé. Nous ne sommes qu’à mi-parcours car maintenant ce sont quatre nouvelles heures, en pirogue cette fois, qui nous attendent. Mais en pirogue... à moteur ! Pas question de pagayer, cela nous prendrait trop de temps pour arriver. Nous entrons véritablement dans la sylve, sur le Rio Cuyabeno dont le cours se rétrécit par endroits, obligeant le conducteur à ralentir. Les personnes venues nous chercher sont des Indiens qui travaillent avec l’agence. Ils assurent la préparation des repas et participent aux excursions en échange, très certainement, d’une aide financière et matérielle. En tous les cas, ils connaissent le coin, c’est certain, et c’est heureux pour nous qui n’avons pas à nous soucier de cela. Nous nous concentrons sur la faune et la flore extrêmement dense. Outre les grands arbres qui forment ce poumon dense de végétation sauvage, les occupants de la forêt les plus facilement visibles (et surtout audibles) sont les oiseaux. Ils sont très colorés : Aras et Martins-pêcheurs aux couleurs vives nous promettent un festival visuel qui me fait frémir d’impatience...
Arrivé au campement à la nuit tombée, ma première préoccupation est d’enfiler un pantalon pour couvrir mes jambes et d'enduire toutes les autres parties de mon corps de répulsif antimoustiques ! Nous dînons, à la lueur d’un éclairage sommaire, d’un très bon petit repas. Tous les « bâtiments » sont surélevés à cause des bébêtes qui rampent, et la plupart n’ont qu’un plancher et un toit : pas de mur, nous avons vue sur l’extérieur, aussi bien pour nous sustenter que pour dormir... Ma première grande joie vient du tronc d’un arbre situé à deux mètres de l’endroit où nous avons mangé, en plein milieu de notre bivouac, car c’est là qu’une tarentule d’environ cinq centimètres de long a élu domicile. De couleur rousse, on aperçoit très nettement ses pattes avant et sa tête avec ses deux énormes crochets au bout de ses chélicères. Mais c’est certainement encore une jeune, affirme Sonia, car elle n’est finalement pas si grande que cela. Avec un bout de branche, je ne peux m’empêcher de la taquiner un peu pour essayer de la faire sortir de son trou et l’observer un peu mieux. Mais la belle est à l’affût et chaque fois que j’approche le petit bout de bois, elle saute dessus et le tire avec une violence inouïe que je ressens très nettement. J’en conclus que je n’aimerais pas du tout qu’elle plante ses crochets dans ma main... Je vais donc la laisser tranquille pour aller me coucher au milieu d’un immense réservoir de bestioles de ce genre, et de bien d’autres dont je ne soupçonne même pas l’existence, la forme, la taille, la couleur, la dangerosité...
Bien que très fatigué, j’ai dû mal à m’endormir sur ce matelas posé à même le plancher de notre paillote et recouvert d’une moustiquaire. Ce n’est pas le confort spartiate qui me pose problème, mais les trous que je découvre les uns après les autres dans ma défense antimoustiques ! Gloups ! Et s’ils ne trouvaient que moi à manger cette nuit ?... Je colmate les brèches tant bien que mal avec des épingles à linge puis j’essaie de m’endormir, me recouvrant du mieux que je peux avec mon sac de couchage et m’enduisant d’une nouvelle couche de répulsif qui ne sent vraiment pas bon ! Je ferme les yeux, nous sommes loin de toute modernité : pas de voiture, pas d’électricité, pas de musique, pas de gens dans les rues – pas de rues ! – et pourtant, quel vacarme ! Un bruit de fond intense, une musique naturelle faite de cris d’animaux, ululements, chants d’oiseaux ou de singes, de claquements, de crépitements, etc. Une symphonie en fait, plus qu’une cacophonie. Et, ayant ouvert les yeux, je commence à voir des points lumineux qui se déplacent un peu partout autour du camp. Des animaux ? Des fauves ?! Non, ça ne peut pas être ça. Enfin, je l’espère...
Après un copieux petit déjeuner composé d’épaisses crêpes, de céréales et de yaourt, nous effectuons notre première sortie en forêt. Quatre heures durant, nous allons crapahuter dans des chemins boueux, gros poncho sur le dos (il pleut pas mal dans la forêt vierge), faisant attention où nous mettons les bottes (de rigueur) et où nous posons nos mains. Ce ne sont pas que de simples recommandations de prudence. Nous sommes accompagnés par un guide indien, une vieille femme au visage étonnamment souriant prénommée Aurora, qui connaît bien ces lieux, leurs secrets et leurs dangers. Ainsi, nous sommes prévenus qu’il ne faut absolument pas poser ses mimines sur un tronc à côté duquel nous passons à cause de ces énormes fourmis qui vont et viennent et doivent bien mesurer près de deux centimètres ! Seraient-ce les fameuses fourmis congas dont parle mon guide : deux jours de fièvre accompagnée de fortes douleurs à qui se ferait mordre par les mandibules venimeuses de ces insectes ?... Un peu plus tard, Aurora stoppe notre convoi qui progressait en file indienne (...) et nous montre dans les arbres, droit devant nous, une masse grisâtre bourdonnante. C’est une ruche qui la rend si méfiante et qu’elle veut absolument éviter, nous obligeant à faire un détour d’une dizaine de mètres autour de l’obstacle pour ne pas passer en dessous. C’est étonnant de constater à quel point elle a peur de ces guêpes – elle qui a dû en voir bien d’autres dans sa vie, des dangers !Mais cela indique surtout combien ces dernières doivent être redoutables. Un peu plus tard encore, nous apercevons un serpent qui s’enfuit à notre arrivée...
Heureusement, la jungle ne se réduit pas à ces dangers, bien au contraire, sinon son intérêt serait minime. Nous faisons souvent des haltes pour observer les plantes, les arbres et les animaux. Ici, nous apercevons des singes se balançant dans les cimes au loin ; là, de grands Aras qui s’envolent (toujours par deux pour certaines espèces) ; et un peu plus loin nous prenons la pose au pied du plus grand arbre de la forêt, devant lequel nous avons l’impression d’être face à un mur tellement il est large ! Aurora nous montre comment on peut se nourrir dans la forêt en mangeant des fruits, ou... des vers cachés dans des espèces de noix à l’écorce tellement dure qu’il faut les ouvrir à coups de machette. Nous avons tous droit à une de ces grosses bestioles blanches de la taille d’un petit haricot blanc qui gigote. Et comme ça a un arrière goût de noisette, je décide d’en reprendre un ! Ah, c’est que ça creuse de marcher dans la forêt ! Je vais manger quelques fourmis aussi. Celles-ci sont inoffensives, minuscules, et picotent sur la langue à cause de leurs sécrétions acides. Certains fruits sont des colorants naturels que les Indiens utilisent pour se teindre les cheveux d’un noir profond, comme ceux de notre guide qui n’a pourtant plus vingt ans...
S’il nous arrivait de vouloir faire de la cueillette et de ramasser des fruits, il faudrait les transporter. Aurora nous explique comment se fabriquer un sac à dos avec de grandes feuilles qu’elle tresse dans tous les sens. Le résultat obtenu en une dizaine de minutes est stupéfiant... Mais le plus impressionnant arrive : elle va fabriquer une cordelette avec une feuille verte mesurant au départ une cinquantaine de centimètres de long sur deux ou trois de large. En commençant par la séparer en plusieurs morceaux et en ôtant ses épines, elle obtient de longs morceaux fins qui ont maintenant la couleur beige de la ficelle que nous connaissons. Les combinant ensemble en les faisant rouler sur sa cuisse d’une technique sûre, avec des mouvements précis, on voit naître en quelques minutes un bout de ficelle à trois brins tressés entre eux, de quarante centimètres de longueur, que je jurerais tout droit sorti d’une usine ! Incroyable !! Avec quelques gestes supplémentaires, ce bout de ficelle est transformé en un collier tiré au cordeau qui m’est très gentiment offert. Je suis vraiment touché par ce présent sans aucune espèce de valeur commerciale et pourtant unique en son genre. Auparavant, quand je regardais de la ficelle, je voyais des dizaines de machines tournant dans des usines et débitant des centaines de kilomètres de produit à l’heure ou à la journée, et je n’avais jamais imaginé un seul instant qu’on pût en fabriquer à la main aussi simplement1. Que ces gens sont savants ! Que je suis ignorant !
Après le déjeuner, nous nous reposons jusqu’à quatre heures à cause de la chaleur étouffante. Chaleur et humidité sont bien les deux caractéristiques de ce milieu. Le programme de cette fin d’après-midi ? « Vamos a la playa » : nous allons à la plage qui se trouve près d’un petit village en bordure de la rivière... Et puisqu’il faut bien faire marcher le commerce, nous passons par la petite échoppe du village. Enfin, « échoppe », c’est un bien grand mot, il s’agit plutôt d’une buvette où quelques paquets de gâteaux sucrés et salés sont exposés. Il y a aussi un frigo abritant des bouteilles. Et oui, même en faisant dix heures de bus depuis Quito, quatre heures de Jeep et autant de pirogue, nul ne peut échapper à la domination de Coca Cola. Et encore, je suis surpris : je n’ai pas vu de McDo dans les parages ! Nous dépensons joyeusement quelques milliers de sucres pour notre quatre heures avant de nous rendre dans une maison à l’écart du village où le chef de famille, un vigoureux gaillard habillé d’un simple pagne et... d’une grosse montre électronique en plastique dernier cri, nous prête sa sarbacane pour faire quelques essais. L’engin mesure deux ou trois mètres de long mais est plus facile à manier qu’il n’y paraît, et après une démonstration par le spécialiste, nous arrivons tous à toucher la cible. Immobile bien entendu : de là à penser qu’on pourrait partir à la chasse et ramener quelques oiseaux, il y a tout de même un immense fossé que je ne franchis pas.
Ce soir, après le dîner, nous attendons que la nuit soit complètement tombée pour partir faire une promenade dans la forêt. La plupart des espèces (soixante-dix pour cent environ) sont nocturnes, et ce n’est qu’une fois le soleil couché que l’on peut les observer. Nous surprenons essentiellement des insectes, araignées, phasmes ou grenouilles, mais aucune bête plus importante. Elles sont trop bien cachées et certainement effrayées par nos lampes torches. Je m’endormirai plus facilement qu’hier, même si je n’ai pas résolu mes problèmes de moustiquaire, mais le bruit ne m’effraie plus et j’ai appris que les points lumineux volants sont tout simplement des espèces de lucioles.
Sur mon carnet de notes, j’ai écrit à la date d’aujourd’hui : « Le jour où j’aurais pu mourir !!! » La journée avait bien commencé, pourtant. Après le petit déjeuner composé de petits pains excellents (fabriqués sur place), nous devions partir pour une pêche aux piranhas. Arrivés sur les lieux où le poisson « mord » sans difficulté, j’occupais la barque avec Fernand. Avec notre canne à pêche locale, un bout de bois au bout duquel était attaché un fil avec un crochet, nous ressemblions plus à Tom Sawyer qu’à l’amateur du dimanche qui aime taquiner la truite. Au bout de quelques minutes à peine, je sens que ça accroche, il y a du piranha là-dessous. Pour dire vrai, je ne suis pas très pêche (ni chasse d’ailleurs...), et j’espère même ne pas attraper un seul poisson. En fait, c’est l’inverse qui va bientôt se produire... L’un de mes compagnons en a sorti un de l’eau, et nous pouvons admirer les petites dents pointues et bien acérées de la bestiole. Pas question de tomber à l’eau !
Fernand me dit : « Je sais comment faut faire, moi. Je les ai vus, au Venezuela, les petits gars quand ils pêchaient : il faut tirer d’un coup sec, comme ça ! » Et voilà qu’il commence à gesticuler dans tous les sens, tandis que je continue d’attendre patiemment de sentir qu’un poisson ait bien accroché ma ligne. J’entends tout à coup un : « Attention ! » mais... trop tard ! Je ne sais pas ce qui s’est passé, si ce n’est que quelques secondes auparavant Fernand faisait des grands gestes avec sa canne... Maintenant, je sens que quelque chose a frappé mon poignet droit et s’y agrippe ! Chose presque incompréhensible, je ne me rappelle pas avoir vu, avoir regardé, même, ce que c’était... Je sais juste que, par réflexe, j’ai tout de suite saisi la bête avec ma main gauche et tiré de toutes mes forces pour dégager de mon bras un je-ne-sais-quoi qui ne voulait plus me lâcher. J’ai tout d’abord cru que c’était un piranha dont la mâchoire s’était refermée sur mon poignet, et je craignais de laisser un bon morceau de chair dans sa gueule en tirant trop fort ! (Vous avez déjà vu avec quelle énergie s’agite un poisson, hors de l’eau ?) Quoi qu’il en soit, je parvins à la décrocher et l’abandonnai, sans la regarder, pour constater l’étendue des dégâts sur mon bras2.
Mes cris ont alerté mes compagnons. Je m’aperçois que j’ai deux trous dans le poignet d’où commencent à s’échapper des filets de sang. Je compresse immédiatement la blessure. Aurora me demande de lui montrer ce que j’ai. Voyant le sang, elle me dit d’approcher mon bras de l’eau afin qu’elle nettoie la plaie. Mais, ce faisant, j’augmente la pression du sang en me penchant vers l’avant et, dès que j’enlève ma main gauche que je tenais fermement appuyée sur la blessure, le sang se met à gicler à au moins quinze centimètres au-dessus de mon bras ! « Ah !! » Je repose aussitôt ma main et Aurora fait un mouvement de recul en poussant un cri, avant de bondir à l’avant de la barque pour en ramener une pleine poignée de gros sel qu’elle applique aussitôt sur la blessure. Puis elle n’hésite pas une seule seconde à déchirer un morceau de son tee-shirt et confectionne un bandage qu’elle passe autour de mon poignet.
Je ne sais pas si c’est le choc, l’émotion, le fait d’avoir vu couler, ou plutôt littéralement gicler mon sang hors de mes veines... Je commence à me sentir mal, je me sens « partir », alors on m’allonge dans la barque, tout le monde est au petit soin pour moi... mieux qu’Europe Assistance !! Matthias m’ausculte, me conseille de maintenir mon bras vers le haut pour qu’il soit au-dessus du cœur (le sang irrigue moins vite l’organe), et vérifie mon pouls qui se révèle être un peu faiblard. Mais, apparemment, je suis toujours en vie. Fernand est totalement désolé, il s’excuse ; je lui demande juste de ne plus imiter les jeunes Vénézuéliens quand je suis là... Nous partons aussitôt à la recherche d’une trousse à pharmacie pour me soigner. Le sel me brûle un peu mais c’est un bon moyen pour stopper l’hémorragie. Il y a, paraît-il, un hôtel trois étoiles dans la forêt, pas très loin du lieu où nous nous trouvons. En fait, je ne vois pas grand chose ressemblant à un hôtel, et la trousse de secours que Sonia ramène n’a pas l’air de convaincre Matthias... Je me remets petit à petit, mon pouls remonte. Nous faisons une halte dans un campement pour déjeuner. Une bonne heure après l’accident, je me lève, non sans difficultés, et marche doucement, mon bras toujours au-dessus de la tête. J’ai droit à un menu spécial : on me sert le poisson qui m’a embroché !! Ils l’ont vraiment cuisiné pour que je le mange, et, finalement, c’est une revanche bien méritée que je prends... On me l’a décrit avant de le découper. Je crois me souvenir qu’il possédait notamment deux épines de longueur inégale dans le prolongement de son museau. Je ne saurais jamais le fin mot de l’histoire. Je pense qu’une épine a ricoché sur un tendon et est ressortie un centimètre et demi vers la droite en transperçant l’une des nombreuses veines qui irrigue la main par la face interne du poignet, d’où le flot de sang qui a jailli quand j’ai baissé le bras et relâché la pression (serrez le poing, posez votre coude sur une table et contractez votre biceps : vous voyez ressortir deux tendons qui parcourent votre bras en son milieu ; sur le plus gros d’entre eux, c’est-à-dire celui situé à droite sur le bras droit, se trouve l’une des deux cicatrices qui me restent de cette pêche). Peut-être le poisson aurait-il pu me transpercer complètement le poignet, ou venir se planter dans mon œil ou mon cœur...
Après cet excellent déjeuner, je vais réessayer un peu la pêche aux piranhas, juste histoire d’exorciser tout de suite ce traumatisme. Je me lance, après de longues minutes d’hésitation tout de même, mais je n’ai toujours aucun succès alors je n’insiste pas. Le mari d’Aurora, lui, pêche depuis ce matin et a déjà attrapé je ne sais combien de poissons. Bien entendu, son but est totalement différent du mien : lui s’occupe essentiellement de nourrir sa famille, alors que moi, c’était pour « m’amuser »... La fin d’après-midi sera consacrée à une petite promenade en forêt. En quittant le camp, nous croisons une douzaine de touristes qui font également un séjour dans le parc. Je suis très étonné car nous n’avions pas vu d’autres « non-Indiens » depuis notre arrivée dans le parc.
Avant de rentrer, une balade en pirogue nous mène à un lac tout proche sur lequel nous restons quelques minutes à observer le soleil couchant qui offre un magnifique spectacle, et nous enchaînons par une chasse aux crocodiles qui sortent de leurs tanières pour aller se nourrir maintenant que la nuit est tombée. Tout au long du trajet, nous apercevons des paires d’yeux rougeoyants lorsque nous dirigeons nos lampes vers les gueules des animaux. Il est difficile de les approcher car ils n’aiment pas notre compagnie et plongent avant que l’on ait pu réellement les voir. L’un d’entre eux, plus docile, laisse admirer son énorme corps qu’il cache sous la surface de l’eau. Un des petit-fils d’Aurora d’une douzaine d’années, qui nous accompagne souvent et n’a pas froid aux yeux, n’hésite pas à sauter sur la terre ferme pour aller derrière lui au bord de la rivière. La bestiole doit faire dans les deux mètres cinquante au moins ; elle finira par se lasser et plongera tout doucement vers le fond. De retour au camp, Matthias me fait un vrai pansement avec le matériel qu’il a emporté. Je ne saigne plus mais il ne faudrait pas que ma blessure s’ouvre à nouveau...
La promenade de ce matin nous conduit à l’école de la jungle. Quelques tables bancales, des chaises, un tableau ayant beaucoup servi (mais pas dans cet endroit...), et des vieux cahiers ça et là. Pas d’élèves, pas de professeur non plus ! Aujourd’hui tout le monde a fait l’école buissonnière... Les Indiens de la réserve ont bien sûr leur langue propre, mais la plupart apprennent aussi l’espagnol pour les échanges avec l’extérieur du parc.
Dans l’après-midi, après notre méridienne quotidienne, nous allons rendre visite au chaman. C’est le jeune que nous rencontrons car le vieux est malade (tiens, il n’arrive pas à chasser les mauvais esprits de son corps ?). L’apprenti n’est pas encore « en exercice », il étudie toujours. Sonia sert de traductrice. Elle nous explique ses fonctions au sein de la communauté, notamment dans le domaine de la santé, même si, de plus en plus du fait de l’acculturation, les Indiens consultent également les praticiens de la médecine moderne (il y a un hôpital en dehors de la réserve, non loin de l’entrée du parc). Notre chaman est habillé d’un simple pagne et coiffé d’un beau chapeau, mais le plus véridique, c’est sans doute l’énorme montre en plastique qu’il arbore à son poignet, du même genre de celle que possédait l’homme à la sarbacane hier. Ou bien elles sont tombées du camion (ou plutôt du Transal qui volait au-dessus de la jungle, car point de route dans la réserve), ou bien ils connaissent La Redoute et ont planqué les catalogues avant que nous arrivions... Plus sérieusement, on peut y voir soit un mariage harmonieux entre tradition et modernité, pour peu que l’on soit un tantinet optimiste, soit, dans le cas contraire, que décidément « tout fout le camp » !
On se lave à la plage car il n’y a pas de douches dans le campement (et puis quoi encore ? Pas d’eau courante, pas d’électricité... La télé peut-être ???), et il faut bien faire un brin de toilette de temps à autre. Après le dîner, comme chaque soir, Sonia nous montre les animaux vus dans la journée. Elle possède deux ou trois grands livres contenant de nombreuses planches où sont dessinés quelques représentants des plus grandes familles de la faune sauvage, surtout des oiseaux dont il existe des milliers d’espèces différentes. Cette jeune femme est passionnée par la nature, ce qui est compréhensible. Elle suit des études de biologie à l’université de Quito, ce job de guide lui permettant de gagner un peu d’argent. Elle nous explique que sa mère est toujours un peu inquiète quand sa fille va dans la jungle pour accompagner les touristes que nous sommes : on la comprend ! (Même si, pour une fois, les animaux les plus dangereux des environs ne sont pas les humains qui forment notre groupe...) Mais apparemment cela ne lui fait pas trop peur, elle aime le contact avec cette nature et ses habitants si gentils, si souriants, dont elle essaie d’apprendre la langue pour mieux les connaître. Elle a un grand respect pour la vieille Indienne Aurora qu’elle appelle affectueusement Aurorita (un diminutif). Et c’est vrai qu’elle en mérite du respect, cette femme qui ne sait pas dire quel âge elle a... soixante-dix ans ? Plus, peut-être. Son éternel sourire lui en ferait paraître moins si ses incisives manquantes ne venaient nous rappeler que le temps est pourtant bien passé... Quelle gentillesse ! Elle semblait toujours comprendre ce que l’on disait alors que nous parlions en anglais ou en français. On me dira partial – c’est vrai qu’elle m’a secouru, presque sauvé la vie – mais... comment pourrais-je être autrement face à une telle personne qui a vécu toute sa vie sans l’eau courante, sans l’électricité, et surtout sans l’argent ; qui n’est jamais allée à l’école et pourtant doit connaître mieux que quiconque les plantes utiles pour guérir les affections, où se cachent les animaux de la jungle, quel est le cri de chacun d’entre eux, etc. « Et dire qu’elle ne sait même pas qui est premier au top 50 ! » aurait ajouté un humoriste...
Hier, le mari d’Aurora a pêché du poisson toute la journée. Il nous avait accompagnés pour nous guider sur le rio, et je m’étais fait cette réflexion (d’occidental stupide, bien sûr) : « Il doit en avoir marre d’amener les touristes alors qu’il a certainement autre chose à faire. » Je n’avais pas compris que la seule chose qu’il avait à faire, ce jour-là, c’était précisément pêcher ces poissons pour nourrir sa famille. Ici, stress interdit ! Je n’ai jamais ressenti la moindre tension entre les gens, la moindre animosité. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il n’y en ait pas, mais comparé à ce que l’on subit quotidiennement dans nos villes, et même nos campagnes, ce n’est rien. Certes, j’ai bien entendu un matin des enfants pleurer lorsqu’ils jouaient entre eux... Ah ! ces enfants : de véritables va-nu-pieds gambadant dans le campement où je n’aurais pas osé sortir sans mes bottes ou mes grosses chaussures de marche. Comparée à celle des cireurs de rue ou de l’aide à tout faire de l’hôtel à Baños, leur vie est tout sauf dure ici... C’est une existence qui respecte profondément la nature. Si j’ai faim, je pêche ou je chasse ; si j’ai soif, je récolte de l’eau ; s’il fait froid, je vais chercher du bois et j’allume un feu ; etc. Ça semble simple, et ça l’est ! Pas de voitures, pas de grandes surfaces, pas de sonneries de téléphone, ..., pas d’emmerdeurs non plus ! Pas d’emmerdeurs, surtout ! Et si « le bonheur était dans la jungle » ?
C’est aujourd’hui que nous la quittons. Avant, une dernière promenade sur la rivière en barque sans moteur me remplit de bien-être. « Qu’il est donc doux, de pagayer sans rien faire... » Après un petit déjeuner consistant, nous reprenons les pirogues à moteur pour faire en sens inverse le chemin qui nous a menés jusqu’au campement. Elles sont bien chargées car les Indiens du village amènent à l’hôpital une enfant malade : le chaman n’a sans doute pas réussi à sortir le mauvais esprit de son corps. L’un d’entre nous croit comprendre que c’est le paludisme. La petite a de la fièvre et des douleurs au ventre, il s’agit peut-être tout simplement d’une infection alimentaire. Ses parents sont inquiets, et c’est la première fois que je les vois si... « stressés ». J’espère que la chica s’en est bien sortie.
Enchaînant avec notre voyage fluvial, qui a duré plus longtemps que prévu à cause de la rivière dont le niveau a baissé, nous reprenons la Jeep après avoir fait nos adieux aux quelques Indiens présents, et notamment à Aurorita qui a été notre vrai guide dans nos pérégrinations et nous a tant donné sans compter. Aujourd’hui, j’ai quitté une femme extraordinaire, d’une intelligence, d’une gentillesse et d’une vigueur incroyables. Un de ces personnages hors du commun que l’on croise parfois au hasard de ses promenades... Merci à toi, Aurora, qui a achevé de me convaincre que nous n’avons pas forcément choisi le « meilleur des mondes » avec nos sociétés industrielles. Merci à toi, de la part d’un barbare en Amérique du Sud...
Ce petit coin de paradis, situé en pleine forêt amazonienne, a le malheur de contenir d’énormes réserves de pétrole. Je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour faire comprendre à n’importe quel lecteur soi-disant sensé les pressions énormes qui s’exercent sur le parc en particulier, et sur la forêt en général. Les combats que mènent ces gens, qu’ils soient célèbres ou anonymes, pour préserver la nature, ne sont pas dénués d’intérêt. C’est si stupide à écrire ! Mais il est tellement rageant de constater que l’argent l’emporte encore trop souvent sur ces considérations écologiques de premier ordre, que la stupidité est ici bien peu de chose... Deux cultures incompatibles s’affrontent dans un monde unique : celle de la nature et celle du dollar. Incompatibles, et pourtant elles ont toutes les deux la même couleur comme symbole : c’est si triste...
Un dîner nous est offert à l’hôtel de Lago Agrio d’où nous sommes partis. Je n’ai aucun sentiment particulier après cette heureuse excursion qui a redynamisé mon voyage et dont je parle déjà au passé. Sans doute je ne mesure pas encore tout ce qu’elle m’a apporté car à peine terminée – du moins à cet instant-là, je crois qu’elle l’est –, je pense déjà aux nouvelles découvertes qui m’attendent dans les prochaines semaines... Nous faisons le compte de tous les animaux que nous avons vus : tout d’abord des piranhas et... un poisson au museau un peu trop pointu ! Beaucoup d’oiseaux bien entendu : des aras de différentes espèces (jaune et bleu, écarlate), des toucans (à gorge blanche), des hoatzin (appelés oiseaux préhistoriques), des grands martins pêcheurs, antinga d’Amérique, caciques, hérons « Cocoï », grand vautour à tête blanche... Quelques singes aussi : saki, singes-écureuil, singes titis (sic !). Des caïmans (noirs, specticals, blancs), des araignées plus ou moins dangereuses comme la grosse tarentule, et surtout une espèce d’araignée-loup très venimeuse que nous avions surprise se promenant sur la nappe de notre table à manger...
Nous ne sommes plus que quatre après le départ de Matthias et Herke. Ici se termine notre aventure commune. Nous avons échangé nos adresses mais j’attends toujours une réponse de leur part... Quand même un grand merci au pharmacien pour son aide ! Nous sommes quatre, ai-je écrit, car outre Sonia et Fernand qui retournent à Quito dès ce soir par le bus de nuit, nous accompagne Luz, une jeune Indienne d’une vingtaine d’années qui se rend dans une petite ville au nord de la capitale pour travailler. Ce n’est certainement pas la première fois qu’elle va en ville car elle ne semble pas perdue, affolée ou décontenancée par le vacarme et les lumières ! Fernand me charrie : « Vas-y, elle est célibataire, elle part pour chercher un mari à la ville... » C’est vrai qu’elle n’est pas désagréable, avec ses longs cheveux noirs et son corps gracile très séduisant enveloppé dans une jolie robe à fleurs, un peu de maquillage venant discrètement souligner son teint d’Indienne marqué. Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que je tombe amoureux... Malheureusement, elle ne parle que l’espagnol, et ni Fernand ni moi n’avons le moindre rudiment de la langue de Cervantès qui nous permettrait de mieux communiquer. Une nouvelle occasion de regretter d’avoir choisi allemand seconde langue !
Dans le bus, suite à une manœuvre initiée par Sonia comprenant que je préférerais être à côté de Luz qu’à côté de Fernand (non pas qu’il soit un garçon désagréable...), je me retrouve à côté de la belle. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Pourquoi allemand ??? Je suis lamentable dans ce rôle de dragueur espagnol muet, et la jeune fille au nez camus, qui a certainement d’autres soucis en tête, préfère s’endormir. Je passerai la nuit les yeux mi-clos, contemplant cette « lumière » (luz, en espagnol) d’un soir, quand je ne somnole pas. Comparé au voyage aller, ce trajet fut un éclair !
Arrivée à Quito vers sept heures. Fernand nous fait ses adieux et part aussitôt. Il n’a pas résolu son problème de retour depuis Bogota qu’il avait planifié avant de venir... Sonia nous abandonne également, embrassant Luz, son amie la petite-fille d’Aurora, et me dit au revoir. Nous nous retrouvons tous les deux dans la gare. Elle attend le chauffeur qui la conduira dans le village de Cayembe. Je n’ai pas vraiment progressé en espagnol pendant la nuit, alors je lance, sans grand succès, quelques morceaux de phrases maladroites au milieu des gens qui vont et qui viennent dans ce terminal terrestre, insensibles à ma peine. Ce que j’aimerais – sans en avoir alors bien conscience car ce n’est qu’au moment de rédiger ces lignes, près de deux ans après, que je le comprends vraiment –, c’est ne pas perdre la seule chose humaine qu’il me reste de cette merveilleuse aventure. Je ne ressentais aucune peine hier en quittant le campement, en faisant mes adieux à Aurora, puis à mes compagnons partant les uns après les autres. Mais maintenant il n’y a plus qu’elle. La jeune Indienne est tout ce qui me rappelle ces cinq jours de bonheur total. Et je sais que je vais la perdre, elle aussi : je ne peux m’y résigner. Je la sens distante, c’est tout à fait compréhensible, une certaine appréhension doit l’envahir car de son côté une nouvelle vie l’attend, faite d’inconnu et de mystère. Mais elle ne se doute pas de tout ce qu’elle représente pour moi à cet instant précis. Je suis comme l’enfant qui, pour la première fois, va à l’école et doit se séparer de sa mère, et cela je ne peux vraiment pas m’y résigner. Je cherche des atermoiements pour ne pas m’en aller, je tenterais n’importe quoi pour éviter la rupture : si seulement je savais parler sa langue, je lui demanderais si elle veut m’épouser. Elle me prendrait certainement pour un fou, peu m’importe ! Je l’ennuie par ma seule présence silencieuse. Je sens bien qu’elle n’espère qu’une chose : que cette espèce d’énergumène blanc planté là devant elle s’en aille, pour que commence réellement sa nouvelle vie, avec ses soucis et ses inquiétudes que, probablement, elle se dépeint régulièrement en elle-même depuis le jour où son départ a été décidé... Je ne suis rien pour elle, elle est tout pour moi ; tandis que je ne veux pas m’en séparer, elle, au contraire, n’attend que cette rupture. Alors je vais faire ce sacrifice, mais je sais que cela ne se fera pas sans quelque douleur insupportable...
Je lui fais mes adieux, la gorge nouée. Qu’il est si triste de ne savoir dire qu’adios dans cette langue. Je m’éloigne, je déambule plutôt, déconfit, toujours au milieu de ces gens qui vont et viennent, pressés par leurs propres besognes... Je leur en veux pour cela, je leur en veux de ne pas prêter attention à mon malheur. J’en veux aussi à ceux qui ne font rien, qui regardent les gens passer, qui regardent les gens tristes déambuler... J’avais promis à Staline de l’appeler dès que je serais de retour. Mais je lui avais promis de le faire sauf si... sauf si j’avais un problème. Et là, j’ai un sacré problème. Je dois fuir, je ne peux pas rester ici, dans cette ville qui me rappellera sans cesse cet épisode douloureux, cette séparation d’avec la jungle en plein cœur d’un bâtiment grisâtre en béton...
Alors je décide de m’embarquer dans le prochain bus qui part vers le sud pour Riobamba. Je n’ai pas longtemps à attendre, il doit y avoir un départ toutes les heures. Dans ce pays, pas de rail. Du bus, seulement du bus, toujours du bus. Je suis dans un piètre état, aussi bien physiquement que nerveusement. Ce n’est pas ma blessure d’avant-hier qui me fait souffrir. Celle-là, je l’aurais presque oubliée, même si mon poignet a encore gonflé et tourné au violet sur près de cinq centimètres de long. Je suis fatigué, surtout, à cause du sommeil dont je n’ai pas profité cette nuit pour l’échanger contre un peu de contemplation... J’ai envie de pleurer mais je n’y arrive pas ; les larmes voudraient sortir mais quelque chose les retient. C’est nerveux, comme on dit : je rigole plus que je ne pleure. Je trouve quelques cheveux de Luz sur le pull que je lui avais prêté pour s’en servir d’oreiller dans le bus, ce qui ne m’aide pas à me calmer.
Départ à huit heures. Une demi-heure déjà que j’ai quitté, peut-être pour toujours, un monde magnifique. Le voyage m’apaise ; j’essaie de tourner la page tandis que le véhicule s’éloigne de la ville. Ah ! Quito ! Point de départ de toutes mes joies sud-américaines, de toutes mes peines équatoriennes. Peu à peu, je parviens à me rasséréner. Ça y est, c’est presque fini... Et puis j’ai déjà d’autres distractions avec mes accointances du moment : mon voisin se bourre la gueule à l’alcool à brûler et tient absolument à se tourner vers moi pour me parler. Pouah ! Il est gentil au début, mais il finit vite par me « saouler » moi aussi !
J’arrive à Riobamba tout de même assez reposé, placide. Je suis serein. Je vais doucement, du moins dans ma tête car mes jambes ont besoin d’exercice. Je m’installe dans un hôtel situé près de la gare, aux chambres miteuses mais à l’architecture intérieure jolie avec son patio couvert. Le prix est le plus modique que j’aurais jamais payé : vingt mille sucres la nuit, moins d’un dollar ! Et j’ai droit à l’eau chaude, enfin, tiède... J’essaie en vain de faire laver mon linge : impossible de trouver une laverie automatique. Je n’ai pas l’intention de dépenser une petite fortune dans un pressing. Par contre, je trouve un cybercafé possédant le système Net-2-Phone. Le téléphone passe par Internet, donc on ne paye que le prix d’une communication locale. Ça fait du bien à ma bourse, et je ne suis plus stressé avec ma montre à la main pour chronométrer le temps passé au bout du fil.
La ville a l’air intéressante mais je suis fatigué. Malheureusement, il y a trop de nuages pour voir les sommets environnants. Je mange, tôt, un sandwich acheté dans une buvette à côté de la gare et je me couche car demain, lever à quatre heures et demie... En effet, si je me suis arrêté dans cette ville, c’est suite à la description fantastique du « petit train d’Alausi » lue dans mon guide. Ce dernier explique que jadis le train reliait Quito à Guayaquil, important port situé à la moitié du pays, mais aujourd’hui il ne circule plus qu’entre Alausi et Guayaquil. Il paraît que la vue est admirable, qu’on passe de la montagne à la mer en quelques heures, voyant au passage toutes les sortes de paysages et éprouvant les plus grands frissons lorsque le train se rapproche dangereusement des précipices... J’ai donc décidé de faire un brin de rail entre Riobamba et Alausi pour profiter moi aussi de ces paysages grandioses. Et en plus, il paraît qu’on peut voyager sur le toit !
1 Ce bout de ficelle, je l’ai gardé plusieurs semaines sur moi, le passant à l’eau de nombreuses fois : sa longévité fut proprement incroyable !
2 Plus de deux ans après, une question reste sans réponse : ai-je réellement vu le poisson et mon inconscient n’a pas voulu garder le souvenir de cette scène qui aurait pu tourner au drame, ou bien s’est-elle déroulée si vite que je n’ai pas eu le temps de vraiment voir ce qui avait transpercé, de part en part, la face intérieure de mon poignet ? Après l’incident, je crois me rappeler que l’on m’a montré l’animal, et pourtant ma mémoire n’en garde aucune trace « consciente »...
3 Et le comble, c’est que j’ai toujours eu d’excellents professeurs, du collège au supérieur. C’est plutôt du côté du système qu’il faut chercher les causes de ces difficultés. Ou dans mon cerveau, peut-être...
retour vers : "Banos" lire la suite : "Cuenca"
Ajouter un commentaire
Warning: mysql_num_rows(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/110/sda/b/e/apacini/carnets/ajout_commentaire.php on line 12
( commentaire pour le moment)