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Mardi 19 octobre 1999

Mon chauffeur d'hier a repris la route après m'avoir déposé dans le centre de Barcelone. C'est une ville moderne mais très riche du point de vue architectural. Je me rends maintenant compte qu’avouer ici n’y avoir passé qu’une journée va me valoir des lettres incendiaires ! Je revois Monica, l'amie espagnole que j'ai appelée hier, puis je vais prendre un peu de repos dans une AJ où l’on parle français. Je pense que je retournerai dès demain user le goudron vers le sud, mais pour le moment, je me promène dans le centre. Au pied de la cathédrale joue une jeune guitariste qui interprète les grands « succès » du répertoire classique espagnol. « Recuerdos de la Barcelona » ...

Mercredi 20 octobre 1999

Finalement, l’AJ n’est pas l’endroit recommandable que j’avais cru de prime abord : le petit déjeuner doit être pris entre sept et neuf heures trente précises. Pas après, surtout ! Il est à peine trente-cinq quand je me présente dans la cuisine : trop tard, un point c’est tout ! Les jeunes sont en train de ranger les ustensiles, les ingrédients, et on me dirige vers le distributeur de boissons si j’ai envie de prendre un café ou un chocolat. Ah ! c’est ça une auberge de jeunesse, où l’on est toujours prêt à accueillir le voyageur, à l’aider... ? La deuxième surprise de la journée me vient du service de blanchisserie proposé. Ou bien l’on met à ma disposition une bassine et j’ai mes mains pour laver mon linge, ou bien je débourse près de dix euros pour utiliser une machine. Vous avez certainement relu deux fois la somme indiquée. Moi je l’ai fait trois fois car les prix étaient en pesetas et je devais faire la conversion en francs ! Eh bien, j’ai fait travailler mes petites mains...

Avant le départ, je vais acheter une montre : une Casio basique, pas cher et fiable. Ça y’est, je dispose de l’heure. Comme je l’ai expliqué, je m’étais débarrassé de cet instrument indispensable à l’homme moderne car je pensais pouvoir m’en passer, mais l’expérience m’a prouvé que c’était difficile. Quoi qu’il en soit, c’est tout de même pratique, notamment le réveil lorsque l’on a un bus ou un train à prendre, ou encore pour se lever à temps pour le petit déj !

Bon, pour ma part, je vais prendre la voiture d’un autre, alors les horaires je m’en fiche un peu pour l’instant. J’emprunte le train qui conduit à l’aéroport pour sortir de la ville, et pour humer de nouveau l’ambiance magique d’un tel endroit... En peu de temps, le ciel couvert laisse bientôt éclater ses nuages et une pluie abondante s’abat sur moi en un instant, me laissant à peine le temps d’enfiler mon poncho. C’est la deuxième fois que je m’en sers, j’en suis assez content pour l’instant car il n’est pas troué... Il devient impossible d’avancer à pied, alors je vais patienter près d’une station service. L’après-midi étant déjà bien entamé, je commence à chercher autour de moi un endroit à l’abri où je pourrais dormir cette nuit. Je continue de lever le pouce jusqu’à ce qu’une voiture de sport noire s’arrête, avec à son bord une très belle jeune femme qui me propose de me conduire à Sitges. Tiens, ce nom me dit quelque chose : un ami m’a jadis raconté qu’il avait passé quelques jours dans ce village, et me l’avait décrit comme un lieu de débauche orgiaque ! Une belle jeune femme, un village à la réputation « hot » dans mon esprit, une pluie qui invite à se rapprocher : le fantasme commence à m’envahir, surtout quand la conductrice – dont la mère est française et qui par conséquent parle très bien ma langue – se demande tout haut « ce qu’elle va faire de moi » alors que la pluie redouble en intensité... Mais nous n’avions certainement pas la même idée sur « ce qu’elle pouvait faire de moi », car la belle m’abandonne bientôt en plein centre-ville... Ah ! c’est malin, ça ! Et où je vais dormir, moi, en pleine ville ? Eh bien, je reprends mon activité favorite : la marche avec sac sur le dos, que j’ai déjà pratiquée deux heures dans l’après-midi. Heureusement, la pluie s’est calmée, et je trouve bientôt un petit coin très sympathique, une église entourée par un passage couvert que supportent des arcades. Enfin, bref, un lieu où je serai sûr de pouvoir passer la nuit au sec.

Je commence par pique-niquer d’une boîte de sardines à l’huile, un fruit et quelques gâteaux. Puis, m’étant installé contre ce qui devait être le presbytère, je décide de demander aux occupants de la maison la permission de dormir juste à leur porte. Bon, en faisant cela, j’ai aussi une petite arrière-pensée qu’on ne peut pas me reprocher car l’hospitalité est un devoir de l’église : et si l’on m’invitait à passer la nuit à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur ? J’imagine déjà un grand lit avec des draps tout frais. Et une chaude couverture. Oh oui ! mon dieu, s’il vous plaît, une chaude couverture... Alors je frappe au carreau de la porte d’entrée, et quelques instants plus tard une femme assez âgée vient m’ouvrir. Alors – et c’est là que l’on s’aperçoit que l’espagnol n’est pas une langue difficile... – je tente pour la première fois une communication d’un très haut niveau dans le dialecte local : en montrant avec mon doigt l’endroit où j’ai posé mes affaires, j’articule, en roulant bien sûr les r plus qu’il n’est nécessaire, un : « Dormir : possible ? » Eh ! Que croyez-vous ? La dame m’a parfaitement compris et répond bien sûr : « Sí, sí... » Je la remercie par de grands sourires tandis qu’elle referme la porte.

Bon, elle ne m’a pas proposé l’hospitalité. Je n’ai bien entendu pas le moindre reproche à lui faire car si elle devait accueillir tous les voyageurs qui passaient par là, elle n’en finirait pas. Et puis elle a sans doute bien d’autres problèmes avec les gens des environs. D’ailleurs, tout ce que je désire, c’est passer la nuit au sec, et cela m’a été accordé. Et en plus, près de la maison du Seigneur...

Je me retrouve finalement de l’autre côté de l’église après qu’un homme soit sorti pour m’inviter à faire le tour de l’édifice. Je ne sais pas s’il s’agissait d’un conseil, d’une recommandation ou d’un ordre, moi en tout cas, je l’ai pris comme un conseil avisé pour que ma nuit soit meilleure. Et à part un peu avant minuit, quand une bande de jeunes à mobylettes est venue pour discuter à vingt mètres de moi, et à six heures le lendemain lorsqu’un passant a fait du bruit dans la rue - deux moments où j’ai quand même eu un peu peur car j’étais une proie facile pour toute sorte d’actes malveillants -, j’ai relativement bien dormi sur ce banc en béton...

Jeudi 21 octobre 1999

Il fait beau et le stop commence bien... Mais ça s'arrête vite. À peine vingt kilomètres en trois heures en voiture, plus peut-être cinq à pied. Je ne tarde pas à me demander si je suis sur la bonne voie – philosophiquement parlant, je veux dire ! Aïe ! Je doute... J’ai parcouru environ mille deux cents kilomètres en stop. C’est à la fois peu et énorme, mais au fur et à mesure que j’avance, je vais de plus en plus lentement. Peut-être est-il temps d’arrêter ce premier essai ? Je renonce donc bientôt au stop pour cette partie du voyage et j’attrape le prochain train pour Tarragone qui part de la petite localité où je me trouve. Arrivé à destination, je cherche un endroit pour me restaurer. Alors que je déambule dans les rues après le repas, une affiche attire mon attention. Dans la vitrine d’une agence de voyages, un prospectus de la compagnie Eurolines (encore elle !) m’apprend qu’un bus part dans trente minutes pour le Maroc... Je fonce, direction la gare routière ! Le sac sur mes épaules pèse de plus en plus lourd. Je demande mon chemin comme je le peux dans cet espagnol quasi inexistant qui m’accompagne, et me retrouve sur le quai bien avant le départ. Le guichet de la compagnie est fermé. Et en plus je n’ai pas de liquide. Je décide d’attendre le bus et d’expliquer au chauffeur pourquoi je n’ai pas pu acheter de billet.

Avec un certain retard, mais on s’en serait douté, le véhicule arrive. J’essaye de parler au conducteur très occupé avec une famille marocaine qui semble vouloir embarquer plus de bagages que le règlement ne le permet (deux bagages volumineux en soute maximum), et le ton monte un peu, la discussion est vive, alors j’essaie de me faire petit et d’être patient. Allez, finalement tout rentre dans l’ordre ; je peux embarquer, je paierai mon billet plus tard dans la prochaine ville où l’agence sera ouverte.

Mon voyage continue donc ainsi à bord de mon moyen de locomotion préféré. En plus, il n’est pas surchargé et chacun peut prendre ses aises. Je ressens comme une agréable sensation, un sentiment d’excitation intense en pensant que demain j’aurai changé de continent... Les paysages défilent ; la verdure et la ville cèdent bientôt la place à l’aridité et, paradoxalement, aux innombrables vergers de la côte.

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