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Je prends quelques jours de repos dans la montagne pour me ressourcer avant un nouveau départ. J’en profite pour acheter un agenda dans lequel je reporterai désormais quelques notes quotidiennes sur mes promenades. Il me faut pas mal de concentration pour remettre de l’ordre dans les trois semaines qui viennent de s’écouler, et pour en rédiger sommairement le déroulement qui commence déjà à s’évaporer de ma mémoire. Il était temps !
Pour quitter l’île de beauté depuis Bastia, j’emprunte le célèbre petit train qui relie la capitale du Sud à celle du Nord en traversant la montagne. Les paysages sont magnifiques. Je devais prendre une « navette rapide » (les NGV, Navires à Grande Vitesse, mettant le Continent à trois ou quatre heures de Bastia), mais la mer un peu déchaînée les empêche de partir. Je suis forcé de me rabattre vers un cargo de nuit, bien plus lent (pas très grave), et surtout plus cher (aïe !).
Je débarque à Marseille, il est sept heures. Pour me rendre à Aubagne saluer un ancien ami, j’opte pour le métro et le bus. En début d’après-midi, je reprends mon voyage en stop pour l’Espagne d’où je gagnerai l’Afrique. Mais suite à une erreur « d’aiguillage », je me retrouve près de l’aéroport de Marignane. J’ai fait du stop sur une bretelle d’autoroute dans la mauvaise direction ! Il est déjà tard, et je n’ai pas envie de repartir car aujourd’hui n’a pas été une très bonne journée. Une dizaine de kilomètres en quatre heures, ça n’est pas motivant, même si je ne suis pas fâché car je n’ai finalement aucune raison de l’être. C’est simplement un jour sans. J’ai été pris par trois ou quatre voitures différentes, c’est dire si la distance moyenne parcourue a été peu élevée. J’ai même eu un petit moment de frayeur lorsque s’est arrêtée un véhicule assez puissant occupé par quatre jeunes franchement basanés et qui parlaient peu. « Vais-je m’en sortir... ? » me suis-je demandé intérieurement en essayant en même temps de me rassurer : « Bah ! c’est l’aventure ! » Et puis finalement, lorsque j’ai demandé qu’on m’arrête à un embranchement, le chauffeur m’a simplement demandé si j’étais sûr de vouloir descendre là, en m’assurant qu’il pouvait m’emmener un peu plus loin. Ah ! cliché quand tu nous tiens...
Je décide donc de ne pas continuer plus loin pour aller admirer le spectacle qu’offre le ballet incessant des avions sur les pistes. Et puis l’ambiance d’un aéroport, c’est magique, c’est synonyme de voyage ! Le seul « hic » est que je ne peux pas abandonner mon sac dans l’aérogare, et il n’est pas question, pour des raisons financières, de le laisser à la consigne. Alors je pars à la recherche du meilleur point d’observation en longeant les grilles extérieures avec mes affaires sur le dos. On ne s’en rend pas bien compte, d’autant plus qu’en général on se déplace en voiture, mais un aéroport, c’est grand ! C’est normal, d’ailleurs : les pistes les plus longues font plus de deux kilomètres, et les aménagements occupent d’immenses surfaces. Je passe ainsi devant des gros cargos qui assurent le fret ou le service postal public et privé, puis je contourne les réserves de carburant pour arriver devant un grillage infranchissable. Je ne peux pas aller plus loin, j’ai déjà marché plus d’une demi-heure, en plus des kilomètres que j’ai faits dans la journée, et la nuit est tombée. En outre, je ne vois pas mieux les avions, alors je décide de retourner à l’intérieur de l’aéroport.
Je ne sais pas trop où je vais dormir : les sièges du hall, très éclairé et bruyant bien qu’il n’y ait quasiment plus de voyageurs à cette heure tardive (il est presque minuit), ne sont pas très confortables, alors je déambule à la recherche d’un coin un peu plus tranquille. Je ne voulais pas un endroit douillet, je voulais seulement qu’il soit plus calme, et finalement je découvre à l’étage un petit paradis. Plongés dans la pénombre, des rangées de sièges moelleux sur lesquels je peux m’allonger de tout mon long. Il s’agit d’une salle d’attente avec écran de télévision géant. C’était vraiment inespéré. Je me mets à mon aise en enlevant mes chaussures, je déplie mon sac de couchage et je m’endors comme un bébé...
Le problème dans ce genre d’endroit, c’est qu’on ne peut pas faire la grasse matinée ! Dès huit heures, j’aurai déjà parcouru plusieurs kilomètres pour aller chercher un endroit dégagé pour commencer le stop. Ça marche assez bien, mais je fais des sauts de puce, toujours avec des conducteurs d’origine africaine. Comme s’ils se doutaient que je me dirige peu à peu vers la terre de leurs ancêtres. Ou tout simplement est-ce parce que je suis à peine à plus de dix kilomètres de Marseille... Je parviens jusqu’à une aire d’autoroute où une jolie blonde et sa mère vont m’emmener près d’Avignon. Encore une fois, je n’ai pas pris le chemin optimal. Qu’importe ! je ne suis pas pressé... Je leur explique mon but : rejoindre l’Afrique du Sud pour traverser l’Atlantique et atterrir en Amérique du Sud, etc. Un peu plus tard, je dis au revoir à la belle jeune fille et à sa mère qui ont eu la gentillesse de faire un petit détour pour me laisser à un péage. Un orage éclate ; je me réfugie près des cabines où je commence à tendre le pouce. À l’abri, je peux me débarrasser de cet accoutrement, assez peu engageant pour les automobilistes, que constitue ma pèlerine.
Je suis sauvé par un « camionneur » qui m’avoue avoir hésité car il ne prend plus d’auto-stoppeurs... Il est très sympathique et nous allons faire un bon bout de chemin ensemble jusqu’à Narbonne où il m’abandonnera sur une aire d’autoroute. Militaire avant de devenir chauffeur, il a un peu voyagé aussi. Il contacte un ami routier afin de voir s’il peut m’emmener vers l’Espagne, mais ce dernier n’est pas dans les environs. Ce n’est pas grave ; j’ai fait un saut de géant, c’est bon pour mon moral après les sauts de puce d’hier et de ce matin. Heureusement aussi, car ce qui m’attend est une autre histoire... Je me retrouve donc sur l’aire de Narbonne-Vinassan. C’est une erreur grave dans mon parcours ! Je commence à m’installer à la sortie, là où les automobilistes peuvent déjà me voir lorsqu’ils font le plein. Endroit stratégique, à condition qu’il y ait des voitures. Oui, c’est bien là le problème : personne ne s’arrête sur cette aire ! Le temps file. Comme les quelques trop rares voitures qui font un bref arrêt. Une heure, deux heures... ça fait plus de trois heures, et la seule voiture qui daigne s’arrêter et baisser sa vitre, c’est celle d’une patrouille de gendarmerie !! Contrôle d'identité. Pas de problème, il ne manquerait plus que ça, tiens ! Au cours de cette interminable attente, je remarque le panneau de fin d'aire d'autoroute. Il est constellé de graffitis écrits en toutes langues : anglais, espagnol, allemand, danois ou je ne sais quel autre dialecte utilisant des symboles bizarres (cf. Astérix...). Les auteurs semblent tous exprimer la même chose : ils maudissent cet endroit où ils ont poireauté des heures avant qu’une voiture ne s’arrête et les prenne. Certains ont même fait des bâtonnets. J’espère qu’ils ne comptaient pas les jours. Ahhhhh ! Vais-je m’en sortir ?
Je m’assois et je décide de prendre mon mal en patience. Je vais bien finir par partir moi aussi. Et puis je ne vois pas de squelette dans les environs ! Juste un bout de carton ayant dû servir de panneau indicateur à quelqu’un récemment, et sur lequel est inscrit « Barcelone ». Tiens, quelle coïncidence ; je vais l’utiliser moi aussi ; je le mets en évidence sur le sol en direction des voitures, et c’est de lui que viendra finalement la délivrance car, à peine une demi-heure plus tard, une voiture ralentit et... me voilà assis à côté d’une Espagnole qui rentre à Barcelone après un an d’études en Italie ! Son coffre et la banquette arrière de sa petite voiture sont chargés à ras-bord d'affaires. J’ai juste assez de place entre mes jambes pour mon propre sac... Nous discutons, faisons une pause dans une cafétéria près de la frontière et reprenons la route pour Barcelone. Finalement peut-être mon attente a-t-elle été salutaire : parti plus tôt, j’aurais peut-être fait des sauts de puce et je serais encore du côté de Narbonne. Il n’y a pas à dire : l’autoroute, pour aller vite, c’est le plus sûr moyen, en voiture comme en stop ! L’arrivée à Barcelone est magique (ceux qui ont vu le film Tout Sur Ma Mère et se souviennent de l’entrée monumentale de Manuela par le train me comprendront...). Débarquer dans une ville inconnue quand il fait nuit possède, pour moi, un petit quelque chose de magique. C’est inexplicable. À la gare centrale, nous faisons un arrêt pour... je ne sais plus trop quoi, d’ailleurs, mais je me souviens bien de cet arrêt sur une grande place face à la gare. Ah ! oui, je crois que c’était pour trouver un endroit où dormir : nous avions décidé d’aller au camping. J’avais téléphoné à une amie dans l’après-midi et nous avions convenu de nous voir le landemain, alors pour l’instant, il fallait bien dormir quelque part. Nous mettrons une bonne heure pour trouver un terrain ouvert. C’est la première fois que je dors sous une tente, en l’occurrence celle que ma compagne de voyage rencontrée quelques heures auparavant seulement avait dans son coffre. Je suis tellement fatigué que je m’endors comme une masse dans un long et profond sommeil : quoi d’autre à faire, de toute façon ?...
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