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Mardi 08 février 2000

Patricia, le Français rencontré à Alausi, une Anglaise et moi-même avions projeté de nous retrouver pour monter ensemble en taxi au Turi, un point de vue situé sur les hauteurs de la ville. De là-haut, nous constatons que Cuenca est une ville beaucoup plus étendue que nous le soupçonnions.

Mes compagnons allemands doivent partir, alors je décide moi aussi de quitter la ville pour me rendre à Machala, un port situé près de la frontière péruvienne. Je ne reste pas longtemps dans chaque ville que je traverse car j’ai hâte de découvrir le pays des Incas (même si j’y suis déjà un peu, ici). J’avais prévu de séjourner entre quinze et vingt jours en Équateur, et finalement j’ai bien tenu mon planning.

Le bus qui m’emmène vers la « capitale mondiale de la banane » fait la course en pleine descente avec un concurrent. Les chauffeurs rigolent comme des enfants en se doublant sur ces pistes peu sécurisantes, et j’assiste à leur jeu un peu incrédule. Au-dessus du siège du conducteur, comme d’habitude, la Vierge veille... Heureusement ! Nous arrivons entier, ce n’est pas si mal... La ville est sale, ne semble pas finie, toujours en construction. Mon guide est d’une grande aide : il me donne un nom d’hôtel que personne ne semble connaître, mais aucune adresse. Cette ville est pourtant loin d’être une simple petite bourgade ! Je me dégotte, seul, une chambre pas chère (un dollar), dans un hôtel plus que vétuste.

Ensuite, je me promène dans cette cité qui n’a pas grand chose à offrir au visiteur. Un petit tour dans le parc de la place principale ne m’amène pas plus loin que cinq heures du soir. L’église moderne est assez... moderne. Je constate de nouveau la ferveur des Latino-Américains. Ils sont nombreux, adolescents comme adultes de tout âge, à se signer en embrassant leur poing serré (comme les joueurs de football après avoir marqué un but !) lorsqu’ils passent devant la maison du Seigneur... La mer semble loin, très loin, trop loin pour que je m’y rende. Je m’arrête un instant devant une queue de plusieurs dizaines de personnes qui attendent sur le trottoir d’en face pour rentrer dans ce qui ressemble à une banque. Curieux, j’interroge le premier passant venu : « Qué pasa ? », d’un ton assuré et fier de prononcer quelques mots en espagnol. L’Équatorien me répond, bien sûr, mais je ne comprends rien, ce qui ne m’empêche pas d’acquiescer : « Ah ! sí !...»

La chaîne de supermarchés nationale doit s’appeler Tià. Je rencontre un nouveau magasin portant cette enseigne, et j’en ai déjà vu plusieurs les jours précédents. L’intérieur est « sobre » : peu de choix, mais beaucoup de vigiles. Seraient-ils à vendre aussi ? Je m’offre une friandise au chocolat. Pour dîner, j’hésite à aller au Gus, le McDo équatorien, mais les prix sont trop élevés par rapport à la moyenne, alors je me contente d’un hamburger très complet (viande, œuf, etc.) acheté dans une sorte de buvette en pleine rue où je peux déguster mon sandwich assis au comptoir sur un tabouret de bar.

Ma chambre donne sur deux rues qui sont très animées dans la journée par le marché. Je ne saurais pas dire si elles le sont aussi le soir. Je m’endors comme une masse après avoir pris soin de m’enduire le corps de répulsif, car les moustiquaires des fenêtres sont en piteux état.

Mercredi 09 février 2000

Je me réveille avec ce qui ressemble à une vingtaine de petites piqûres sur chaque jambe. Je n’oublie pas de poursuivre mon traitement antipaludéen...

Direction Huaquillas pour passer la frontière. Je pensais rester un jour de plus à Machala pour goûter à cette atmosphère portuaire où les bateaux viennent charger leur cargaison de bananes, mais il semble que ce ne soit pas si facile d’accès, et ce que j’ai vu de la ville suffit à me faire fuir !

Le passage de la frontière est un grand moment. Je n’ai pas écrit un bon moment, mais bien un grand moment. D’abord, beaucoup plus long que prévu à cause de ce guide de pacotille qui va me faire perdre deux bonnes heures. Il explique qu’il y a une petite rivière servant de frontière naturelle qui sépare en deux la bourgade ; que celle-ci possède un nom différent sur chaque rive, et que « le poste-frontière péruvien se trouve avant le pont sur la droite, presque caché par des petits vendeurs ambulants.[...] Du côté équatorien, le poste-frontière se trouve après le pont sur la gauche. » Or, arrivé devant celui-ci, je cherche désespérément le poste en question et apprend qu’il est situé à l’entrée de la ville... Bien ! Je n’ai plus qu’à faire demi-tour et, mon sac sur le dos, marcher par cette chaleur une distance que je n’arrive pas à évaluer précisément, mais qui me semble importante. Au bout d’une demi-heure, je commence à me dire que je vais y laisser la peau. Je décide alors de faire appel à l’un des nombreux taxis. La discussion est ferme car je sais que je ne suis plus très loin. Le chauffeur parvient à m’arnaquer : nous avions convenu qu’il m’amènerait au poste péruvien après cet arrêt équatorien au bureau de la Migración, mais au retour, arrivé à quelques dizaines de mètres du pont, il refuse d’aller plus loin. Déjà une heure de perdue ! Par ailleurs, il paraît que je devais être « assailli par des petits changeurs » sur le pont... Ah ! des sacrés « ponts », moi j’en connais !

Je ne suis pas sorti de mes peines de l’autre côté : le poste est complètement en dehors de la ville, à nouveau. En quelque sorte, je peux faire miens ces vers de Brassens : « Il suffit de passer le pont, c’est tout de suite l’aventure... » Cette fois, je fais appel à une moto-taxi : pas chère, rapide, et assez courante dans le coin. Et puis on les entend de loin, que ce soient les deux ou les quatre roues, avec leur sirène-klaxon qui émettent des sons spatiaux, comme celles que les enfants aiment accrocher sur leur vélo... Finalement, je m’en tire de ce franchissement de frontière, même si c’est un peu plus long que prévu. J’apprendrai à mon retour que six kilomètres séparent en fait les deux bâtiments où l’on tamponne le passeport : « De chaque côté du pont »... Une fois de plus, je suis extrêmement surpris qu’aucun préposé n’ait inspecté mon sac, ni d’un côté de la frontière, ni de l’autre. Pourtant, je l’ai moi-même proposé en Équateur au douanier : il n’en a pas voulu !

Pour me rendre à Tumbes (c’est la première cité conquise par l’espagnol Pizarro l’assassin en 1531, après qu’il eut débarqué dans les environs pour étancher la soif d’or de ses contemporains européens), j’emprunte un microbus. C’est quoi, un microbus ? Tout simplement, c’est une petite camionnette, genre VW Combi, Toyota Lite Ace, ou autre Nissan Vanette, qui peut transporter six ou sept passagers en même temps. On les désigne d’ailleurs également sous le vocable minibus ou « combi ». C’est assez agréable et très courant dans ce pays. On en voit partout, allant et venant dans toutes les directions, indiquant leur destination à l’aide d’un panneau posé contre le pare-brise. Le trajet dure un peu plus d’une demi-heure, autant dire que « ce n’est pas là qu’on passe la frontière », contrairement à ce qu’écrit le guide. Une fois arrivé, je mange dans un petit restaurant où je bois un Inka Cola, le cola national au goût particulier de ces chewing-gums mâchés par dizaine dans ma prime jeunesse. Puis je vais me renseigner pour trouver un bus pour Trujillo, mon premier véritable arrêt péruvien. Mon sac déposé en consigne dans le local de la compagnie (c’est-à-dire tout simplement confié à la dame qui m’a vendu le billet : il ne faut pas être trop paranoïaque ou stressé, sinon on garde son sac avec soi toute la journée !), je pars me promener dans le village jusqu’au moment du départ fixé à onze heures dans la soirée. Je vais de nouveau voyager de nuit, mais cette fois, pas de montagne, pas de piste : c’est la panaméricaine, cette immense route qui traverse toute l’Amérique du Sud de la Colombie à la Patagonie en longeant plus ou moins la côte ouest du continent.

Je laisse filer le temps, allongé sur un banc de la place principale ; c’est agréable car il fait beau. Un peu plus tard, je fais la connaissance d’un couple de Français habitant, je crois, Toulouse. Ils sont venus passer quelques semaines en Équateur et s’offrent une incursion au pays des Incas sur les conseils d’amis à eux. Nous convenons de prendre le même bus, et peut-être plus si affinité (une chambre à l’hôtel pour payer moins cher, c’est tout !). Je pars me promener seul dans le village, vers le nord, car j’ai aperçu de nombreux oiseaux ressemblant à des vautours (peut-être des urubus). C’est un quartier assez peu touristique, pour ne pas dire pas du tout touristique, plutôt sale et poussiéreux, comme tout endroit balayé par le vent et entouré de sable et de rocailles. Je traverse la « Place de la Femme », sur laquelle une statue a été dressée, et, poursuivant mes oiseaux, dont je compte jusqu’à vingt-trois représentants au même endroit dans le ciel, j’arrive au bord de ce qui ressemble à un delta de rivière. Regagnant le centre en longeant la rive, je croise plusieurs jeunes enfants qui s’amusent dans l’eau. Je rejoins mes compagnons un peu plus tard.

Cet après-midi est assez typique du voyage a-touristique qui était mon but au départ et qui a cédé la place à cet autre voyage que j’effectue, tourné, lui, vers la découverte culturelle. Je n’ai rien vu de grandiose, rien visité de somptueux, je n’ai fait qu’attendre, passer le temps, assister à la vie quotidienne de ces habitants, et pourtant je ne me suis jamais senti lassé, pressé de déguerpir. Au contraire, un certain bien-être m’envahit, je suis ici comme hors du temps, sans but, sans raison. Cela me rappelle cet après-midi à Civitavecchia durant lequel je n’ai fait autre chose qu’attendre le cargo du soir. Par contre, je suis un peu frustré de n’être que spectateur passif car j’aimerais pouvoir communiquer avec ces gens qui ont certainement des tas de choses passionnantes à raconter. J’ai bien appris quelques mots, mais je dois encore me cantonner à un vocabulaire réduit à sa plus simple expression : « bonjour », « adieu », « aller », « partir », « prix », « quand », « combien », etc. Ach !...

Le bus est très confortable. C'est un vieux Greyhound, un ancêtre des bus modernes que l’on dit « tout confort » et qui m’ont transporté deux mois durant aux États-Unis. Là-bas, je les trouvais très peu conviviaux alors qu’ici, c’est tout l’inverse. Comme quoi les ancêtres... Nous faisons un arrêt à dix heures dans une sorte de restaurant pour manger et...


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