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... nous arrivons à six heures du matin à destination. Taxi à trois pour nous rendre à l’hôtel Americano, recommandé par le guide. Sur mon calepin, j’ai écrit « taxi-arnaque » mais ne me souviens plus très bien pourquoi ! Était-ce parce que le voyage a duré dix bonnes minutes alors que c’était le temps qu’il nous aurait fallu à pied, avec un bon plan, sans nous presser ?
Nous dormons un peu avant de partir faire notre première sortie culturelle péruvienne à Chan Chàn. Les indications du guide pour trouver le microbus ne sont pas claires, mais nous parvenons tout de même à en attraper un qui nous déposera sur le bord de la route à l’entrée du site. La région est vraiment désertique. Le site est immense, il nous faut marcher un kilomètre et demi depuis la route pour arriver à la citadelle Tschudi, la mieux conservée parmi les neuf forteresses que comptait la cité aujourd’hui en grande partie en ruine. Elle était la capitale de l’empire Chimù – une de ces nombreuses civilisations ignorées du grand public ayant précédé les Incas1 – qui connut son apogée entre le XIIème et le XIVème siècle. Mes deux amis tiennent absolument à payer un guide pour avoir des explications. Je ne veux pas me joindre à eux à cause du surcoût que cela implique, bien plus important que le prix du billet d’entrée lui-même. J’ai les commentaires du guide papier (hum...), mais je me rendrai compte bien plus tard que ceux-ci n’étaient pas suffisants. Tant pis pour moi, et tant mieux pour mes compagnons qui ont sans doute tiré un bénéfice bien plus grand de cette visite.
Nous nous dirigeons ensuite vers la Huaca Esmeralda, à pied car selon les auteurs de mon livre préféré du moment (qui n’ont pas fait le trajet à mon avis), les deux sites sont distants d’un kilomètre. Il y a au moins le triple à parcourir sous la chaleur accablante qu’il fait !! Alors, en guise de pause, nous visitons à mi-parcours un musée dans lequel on peut admirer un grand nombre de ces superbes poteries mochicas qui ont inspiré Hergé quand il a dessiné « Le temple du soleil ».
Le terme huaca désigne un monument assez important, en général religieux, et souvent une pyramide comme ici. Dès l’entrée du site, avant même d’avoir pu découvrir le lieu, on essaie de nous vendre des reproductions de poteries, ce qui m’exaspère. J’abandonne mes deux compagnons assez lâchement avant la fin des explications pour aller visiter l’édifice. Il est assez abîmé, mais des bas-reliefs sont encore bien visibles, où l’on peut s’imaginer voir représentés des oiseaux et des poissons. Je pense qu’aucun de nous n’a regretté la longue marche que nous avons dû mener depuis Chan Chàn. Et puisque nous y sommes, pour économiser encore un peu notre pécule, nous décidons de rentrer par nos propres moyens. Avec tout le chemin déjà parcouru, on ne doit plus être très loin. Mais notre équipée de touristes avec sacs sur le dos nous vaut, de la part de tous les microbus ou taxis qui passent, un ou plusieurs coups de Klaxon signifiant bien entendu : « Eh ! vous voulez qu’on vous emmène... ? » Et parfois même, de la part des véhicules qui nous croisent de l’autre côté de la chaussée ! Je retrouve mes vieux démons marocains. Ils m’énervent toujours autant...
Le soir, j’abandonne quelques instants mon couple dans l’intimité pour aller au cinéma dans la salle située à deux pas de l’hôtel. C’est un film assez étrange, peut-être parce que je ne comprends pas tout de cette version originale américaine sous-titrée en VO espagnole ! La salle n’est pas hi-tech, comme celles que j’ai fréquentées aux USA : les sièges sont kitsch, l’écran légèrement gondolé et le son semble provenir d’un Gramophone des années trente.
Aujourd’hui nous faisons une scission car je n’ai pas envie de visiter la Huaca del Sol. Je prends la route vers El Dragon (encore appelé Arco de Iris). C’est également une pyramide, mais elle est beaucoup mieux conservée que celle vue hier, avec plusieurs bas-reliefs complets représentant des guerriers dansant en hommage à l’arc-en-ciel (arco de iris), ou encore un couple humain entouré par la même merveille de la nature.
Il n’est pas très tard, et je me dis qu’il serait finalement intéressant de faire un tour où j’ai laissé mes deux compagnons partir seuls. Je retourne en ville par un combi, puis en prends un autre en direction des Huaca qui se trouvent à l’autre bout de la ville. Ce site mochica est composé de deux pyramides dont l’une, la Huaca del Sol (du soleil) est la plus grande construction historique de ce genre au Pérou : deux cent trente mètres de longueur et cent quarante de large environ. La seconde, la Huaca de la Luna, un peu plus modeste mais tout de même très respectable, est la seule à avoir été fouillée et on peut la visiter pour y admirer, notamment, de jolies fresques polychromes.
Au retour, traversant une zone où je peux étudier le travail des paysans dans les champs, je remarque le système d’irrigation composé de canaux et de barrages dans lesquels les enfants barbotent, tandis qu’un peu plus loin des adultes travaillent la terre. À nouveau sur la route, je subis les Klaxons des microbus qui m’interpellent même lorsque je suis de l’autre côté de la chaussée et que nous sommes séparés par un terre-plein... Le long du chemin, je croise plusieurs vendeurs de fruits et légumes. J’achète une banane qui ne m’inspire pas confiance car elle est toute verte une fois épluchée. Je ne sais pas que c’est une espèce particulière, je crois même que le fruit n’est pas bon à manger... Alors je prends un goûter dans une panaderia, une sorte de boulangerie où l’on trouve toutes sortes de pains et quelques viennoiseries. Dans le même genre, c’est bien meilleur que tout ce que j’ai pu manger aux États-Unis.
Sur la place centrale de la ville, assis contre la fontaine parmi bon nombre d’autres gens, je fais une courte pause. Je rencontre une Française vivant au Québec, venue voir sa petite-fille dont l’ami est originaire d’ici. C’est la première fois qu’elle visite le Pérou et me certifie surtout que c’est la dernière fois qu’elle y met les pieds ! Elle est horrifiée par ce pays, sa pauvreté, sa saleté, les conditions de vie des gens. Par rapport à Montréal, certes... La prochaine fois, elle préférera payer le billet à sa petite-fille pour que ce soit elle qui se déplace. Je constate que je ne suis pas le seul à prendre la misère en pleine face, et cela me conforte dans l’idée que l’on a beau croiser des « SDF » et autres « clochards » qui fouillent les poubelles près de chez soi, on est loin d’avoir vu jusqu’à quelle profondeur la pauvreté a creusé son trou. Et j’ai bien peur que ce que j’ai vu jusqu’à présent ne soit pas grand chose, hélas !
Je retrouve mes compagnons une dernière fois pour nous dire adieu car ce soir se séparent nos chemins. Ils retournent vers l’Équateur, au nord, je continue ma route, au sud, vers d’autres ruines et d’autres types de misère... Je prends un bus dont le départ est fixé à neuf heures et demie pour Lima mais, avant, je dîne dans un petit restaurant local où l’on me fait goûter à la chicha, la boisson ancestrale alcoolisée, à base de maïs. Je ne suis pas fana d’alcools ; celui-ci ne passe pas mieux que les autres.
Comme à son habitude, le chauffeur glane quelques passagers ici ou là sur le bord de la route. J’ai l’impression que le prix payé par ces « retardataires » est moins élevé que celui que j’ai dû verser en prenant mon ticket à l’avance, et j’en viens à me demander si ce n’est pas une stratégie autochtone pour payer moins cher son voyage. Cela expliquerait cette ristourne que l’on m’a accordée entre Quito et Baños quand je suis monté alors que le bus partait... Peut-être que je ne comprends pas bien qu’il s’agit juste là d’un marchandage. Cependant, ce serait trop risqué pour moi d’essayer d’opérer ainsi. Il faut bien connaître les heures et lieux de passage des bus, et je ne saurais pas trop quoi faire si je loupais mon bus à onze heures du soir : pas question de dormir dehors ici !
1 Cette méconnaissance scolaire de l’histoire de l’Amérique précolombienne, que nous réduisons à une centaine d’années de domination inca, est stupéfiante ! Il y a de magnifiques livres à écrire sur le sujet (outre ceux déjà existant, mais hélas ! peu diffusés...).
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